La vengeance d'une femme de Jules Barbey d'Aurevilly

Je me découvre être une fille pleine de préjugés non fondés. Je m'explique : je pensais que Barbey d'Aurevilly écrivait des récits un peu osés. Pour moi, il n'était donc pas nécessaire de le lire. Or, ce mois-ci j'ai acheté à la maison de la presse pour la première fois le magazine dBD. Petite digression : dans ma ville, il y a un magasin qui vend exclusivement des BD et des mangas. Les BD sont classées par genre (mieux que dans les grandes surfaces culturelles où si vous ne connaissez pas l'auteur, l'éditeur mieux vaut ne pas y aller), le libraire est très sympa et conseille très bien. Je voulais donc voir ce qui sortait ce mois-ci pour pouvoir lui demander ce que je voudrais. J'ai donc vu l'interview d'un jeune auteur, Lilao (né en 1978), professeur de dessin dans les Yvelines, à l'occasion de la sortie de sa première bande dessinnée : l'adaptation de la dernière nouvelle des Diaboliques, La vengeance d'une femme.

Deux choses m'ont persuadé que cette BD en valait la peine : c'est une des planches qui montre Paris (le seul mot qui peut la désigner c'est splendide) et que c'est un auteur qui a été repéré par Emmanuel Proust l'année dernière à l'occasion du salon du livre. Me voilà donc parti au marchand de BD pour rentrer en possession de ce précieux volume. Quand le vendeur m'a vu le prendre, il a dit : "vous avez raison, il est vraiment bien". J'étais donc encore plus persuadée.

 
De quoi ça parle me direz-vous. Un soir, un jeune dandy, Robert de Tressignies, voit une prostituée qu'il croit reconnaître. En tout cas, il voit au-delà de la robe jaune, une beauté hors du commun (en tout cas que peu de filles des rues ont). Il l'a suit donc dans sa chambre. Ils font l'amour. Elle montre une vigueur sans pareil, en tout cas peu commune au fille dont c'est le métier. Tressignies s'aperçoit que l'attention de la fille est fixé non sur lui mais ur un bracelet où il y a le portrait d'un homme. Il demande des explications : elle lui livre alors son histoire. Cette prostituée n'est autre que la duchesse d'Arcos de Sierra-Leone, dernière descendante de la branche italienne des Turre-Cremata (d'après la nouvelle, elle serait parente avec l'Inquisiteur Turquemada : je ne sais si c'est vrai). Elle est la femme d'un homme très respecté en Espagne. Un jour, Don Esteban, marquis de Vasconcellos, cousin du Duc, vint à Sierre-Leone. Tout de suite leur amour a eu "la simultanéité de deux coups de pistolet tirés en même temps, et qui tuent …" Elle dit à son mari d'éloigner Don Esteban de peur de ses sentiments. Celui ci répond qu'"il n'oserait" l'attaquer. Après quelques temps d'un amour chaste entre la duchesse et Vasconcellos, le mari s'aperçoit enfin de quelque chose. Il fait alors étrangler son cousin, lui fait enlever le coeur et manger par des chiens. La duchesse aurait aimé que son mari, pour se venger, lui dévorer le coeur de son amant. Elle décide alors à son tour de se venger. Pour cela elle décide de se faire protituée. Sa vengeance sera d'autant plus triste qu'elle sera ratée …

Comme je l'ai dis le travail de Lilao est remarquable : d'abord pour les dessins des personnages (et surtout les expressions des visages et des yeux), les dessins des quelques vues de Paris, pour son travail d'adaptation du texte littéraire. On trouve d'ailleurs quelques explications dans l'entretien avec dBD :

"J'ai relu la nouvelle plusieurs fois en soulignant les passages et les mots-clés. Il faut savoir que les textes écrits par Jules Barbey d'Aurevilly sont extrêmement denses et truffés de références culturelles de l'époque. J'ai gardé l'essentiel et sélectionné ce qui pouvait passer par l'image. Par contre, aimant son phrasé, je n'aipas touché aux textes originaux. J'ai bien entendu fait des coupes ou supprimé des citations inutiles mais je n'ai pas inventé des phrases qui n'existaient pas."

Un tel soucis ne peut qu'honorer son auteur ! Emmanuel Proust, non content de nous proposer cette bande dessinnée propose à la suite du volume le texte original de Barbey d'Aurevilly. Ce fut une découverte. Quelle écriture, quel talent pour la description des sentiments ! Par contre, c'est vrai qu'il y a beaucoup de citations de l'époque de l'auteur que je n'ai pas comprises. On n'a qu'une envie c'est de découvrir d'autres textes de Barbey d'Aurevilly. À la librairie, il n'y en avait qu'un seul c'était Le bonheur dans le crime (autre nouvelle des Diaboliques) ; je vous en parlerai bientôt …

Un billet de Frédéric Ferney sur la nouvelle.

Références

La Vengeance d'une femme de Jules Barbey d'Aurevilly et Lilao (Emmanuel Proust Éditions – collection Atmosphères, 2009)


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