Cette odeur-là de Sonallah Ibrahim

C’est un texte très court inspiré par l’expérience de l’auteur. En effet, Sonallah Ibrahim a été retenu cinq ans (1959-1964) dans un « camp d’internement en Haute-Egypte » à cause de ses positions communistes. Ce qu’il raconte, c’est son retour difficile à la liberté. Enfin, ce n’est pas son retour mais un retour difficile à la liberté inspiré par son expérience.

Quand il est revenu de prison, il devait être rentré au couché du soleil car un policier venait chez lui signé un papier. Si il ne le trouvait pas, c’était retour à la case prison. Il avait pris l’habitude de noter ses pensées, ses faits et gestes de la journée sur des papiers. Ce livre est la réorganisation et la réécriture de ses notes.

Ce qu’il nous raconte dans ce livre c’est la difficulté à reprendre une vie normale après la prison. Il parle de la famille avec qui il faut reprendre contact. Il faut se mettre en tête toutes les histoires qui se sont passés mais aussi se mettre dans le mouvement de leurs vies qui se déroulent devant vos yeux. La forme qu’a choisi Sonallah Ibrahim car il alterne le présent avec les réminiscences du passé qui lui viennent à partir de ce qu’il est en train de vivre.

C’est le premier texte qu’a publié cet auteur (qui avait décidé en prison que son métier serait écrivain). Je l’ai trouvé très beau mais nullement exceptionnel. L’auteur arrive à nous faire ressentir le fait qu’il se sente extérieur à la nouvelle vie. C’est difficile à faire surtout pour un premier texte. J’aurais aimé une conclusion, une chute mais en fait non ; l’auteur nous laisse à penser que de se réhabituer à la liberté ne se fait pas en un mois.

Le contexte de sa publication est intéressant mais le livre ne semble pas subversif pour une française d’aujourd’hui (moi en gros). Il parle de sexe (de masturbation et des désirs que le narrateur n’arrive pas à assouvir) et de politique, des sujets qui étaient tabous en 1966, en Égypte. Il a donc été publié à compte d’auteur et censuré (interdit car à ce moment-là la censure n’existait plus avant la parution pour cause de pensées un peu plus libres dans le pays). Il a reparu en 1968 (à Beyrouth) et 1969 (au Caire) dans une version expurgée. En 1986, deux éditeurs, une marocain et un cairote, ont publié la première édition arabe intégrale, auquel ils ont ajouté une préface de l’auteur expliquant le contexte de publication en 1966. C’est la traduction de cette édition qui est proposée en Babel.

Références

Cette odeur-là de Sonallah IBRAHIM – récit traduit de l’arabe (Égypte) par Richard Jacquemond (Babel, 2011)

Première parution en France chez Actes Sud en 1992.


Publié

dans

,

par

Étiquettes :

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.