Le père Serge de Léon Tolstoï

Quatrième de couverture

L’individu « animé d’un immense amour-propre », dont le but est d’ »atteindre la perfection et le succès dans toutes les entreprises, et d’obtenir ainsi l’admiration et les louanges de son entourage », cet individu-là, brusquement contrarié dans son élan par un détail qui l’insupporte, peut-il, tournant le dos au monde, se consacrer à Dieu ? Ou bien, pour être plus précis : si la décision d’un tel être se trouve motivée par le désir de montrer à tous son mépris, se peut-il que, libérant alors une religiosité jusque-là étouffée par son orgueil, il se délivre de la pesanteur grâce à la soumission aux règles monastiques et ascétiques ? Telle est, brièvement exposée, la problématique du Père Serge.

Cette nouvelle qui, pour être souvent passée inaperçue dans l’oeuvre de Tolstoï, n’en constitue pas moins, en même temps que son écrit le plus serré, le plus fondamental, une parabole à la fois violente, sobre et universelle digne de prendre place parmi les grands témoignages spirituels.

Mon avis

Cette nouvelle m’a plu (pas de là non plus à être transportée : il ne faut pas exagérer) par la manière dont elle aborde une question que je suis sûre tout le monde s’est posé un jour : quand on aide quelqu’un le fait-on pour aider une personne en face de nous ou pour se sentir bien avec soi-même ? Tolstoï répond le plus simplement possible : se poser la question c’est déjà que le don n’est pas si gratuit que ça (il y a une contrepartie dans l’affaire). En tout cas, c’est comme ça que j’ai interprété ce livre (par rapport a mes préoccupations bien sûr).

En efet, comme c’est Tolstoï, la nouvelle parle en réalité de religion (je suis toujours mal à l’aise de parler de ce genre de chose dans une conversation publique mais je voulais parler du livre parce que la conclusion m’a semblé très pertinente). Stepan Kassatzki, commandant du régiment des cuirassiers de l’empereur, abandonne l’armée après avoir découvert que le milieu dans lequel il vit n’est qu’apparence. Plus exactement, c’est l’explication qu’il se donne à lui-même. En effet, la raison véritable est qu’il vient d’apprendre que sa fiancée est l’ancienne maîtresse du tsar. C’est son orgueil qui en prend un coup (il veut toujours être le premier en tout).

Le voilà qui s’isole dans un couvent où là encore il sera le meilleur : il priera le mieux, sera le plus fervent … se rendant compte que même au couvent tout est apparence, il devient ermite. Il voit quand même des gens. On lui découvre un pouvoir de guérisseur par un simple toucher de ses mains. Tout le monde vient le voir … il se rend compte que le fait de guérir n’est pour lui qu’une source de vanité supplémentaire, qu’il ne fait pas pour Dieu mais uniquement pour l’opinion que les gens ont ainsi de lui. Il quitte l’ermitage pour partir sur les routes où il rencontre une vieille femme dont il se moquait quand il était petit (à ce moment là elle était jeune). Elle lui explique que Dieu elle n’a pas le temps pour ça mais qu’elle le regrette bien. En effet, elle travaille d’arrache-pieds pour aider toute sa famille : sa fille, son gendre et ses quatre petits-enfants. Ce qui fait dire à Stepan le phrase suivante :

J’ai vécu pour les hommes sous prétexte de vivre pour Dieu ; elle vit pour Dieu, en s’imaginant vivre pour les hommes.

Une seule bonne action, un verre d’eau donné sans la pensée de la récompense, est plus précieuse que tous les bienfaits que j’ai répandus sur les hommes. Mais, dans mes actes, n’y avait-il point un grain du désir de servir Dieu ? Oui, mais tout cela était souillé, étouffé par la gloire humaine. Oui, Dieu n’existe pas pour celui qui, comme moi, a vécu pour la gloire humaine.

Je vous laisse méditer sur tout ça !

Références

Le Père Serge de Léon TOLSTOÏ – traduit du russe par J.W. Bienstock, préface de Jil Silberstein (éditions Le temps qu’il fait, 2010)


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