Les derniers jours de Thomas de Quincey de John Ritchie Findlay

Présentation de l’éditeur

De Quincey se profile régulièrement derrière ses écrits, ce qui en fait une présence familière à tout lecteur attentif. Mais ce personnage exemplaire laisse naturellement échapper le singulier, ou l’irrégulier, de cette vie, ce qui lui fit propre jusqu’à l’insignifiance – ou à la fiction (cet « anecdotage » que De Quincey lui-même exploita si bien à propos de Kant).

John Ritchie Findlay accompagna les dernières années de l’écrivain. Plein de révérence et d’étonnement, il laissa de cette amitié une petite chronique jamais rééditée depuis sa publication originale. Voici donc, comme figés dans le temps, quelques éclats de cette très étrange existence. Voici un De Quincey aussi courtois, affable et serviable qu’incontrôlablement caustique, ou médisant ; perambulateur émérite et opiniâtre opiomane ; toujours en retard d’un écrit, ou d’un crédit, toujours en retard d’une dette, espérant sans cesse se reprendre. Voici, sous le regard d’un témoin fasciné, l’émouvant portrait d’un excentrique malgré lui, en proie au démon de la ratiocination, à l’opiomanie, aux affres de la pauvreté et à l’obsession du texte impossible à écrire, à achever, à envoyer.

Mon avis

Ce petit livre n’est pas un texte littéraire dans le sens où il n’a pas la construction des derniers jours d’Emmanuel Kant et que l’auteur n’est pas l’écriture de Thomas de Quincey (même si il y a parfois de très jolies phrases : ils « se mirent à diiscuter de vieux auteurs, de questions d’histoire et de littérature classique bien au delà de ma portée, si bien que je restai échoué sur le rivage avec cette marée d’éruditions et de spéculations fluant et refluant devant moi« ). Il faut plutôt le voir comme une sorte de documentaire sur Thomas de Quincey et sur son « déclin ». En effet, Findlay a repris la construction en deux parties des derniers jours d’Emmanuel Kant. La première partie, sous forme de journal, explique comment Findlay s’est retrouvé fasciné par de Quincey, tout ce qu’il a pu apprendre de l’auteur aussi. La deuxième partie, sous forme de note, décrit comment Findlay a essayé d’aider du mieux qu’il le pouvait Thomas de Quincey. Je crois que la différence de forme provient du fait que Findlay ne veut pas insister sur les vieux jours de l’auteur et que l’on en garde l’image d’un grand homme. Je trouve que c’est tout à son honneur (de Quincey ne l’avait pas fait pour Kant parce qu’il a un esprit « caustique » et « médisant »).

C’est le mérite du livre : mieux nous faire connaître Thomas de Quincey. D’abord au niveau physique :

C’était un homme très petit (environ 1,59 ou 1,60 m) mais d’une contenance remarquable due à une séduction intellectuelle que jamais je n’ai rencontrée depuis. Quoique sans régularité, ses traits étaient empreints d’une finesse aristocratique, et un air d’éducation raffinée pénétrait son visage. Il avait un front extraordinairement large et dense. À première vue, son visage avait la fraîcheur lisse d’un jeune garçon, réchauffée d’une sorte de rougeur hectique en remarquable contraste avec ces évidents signes de l’âge que donnaient les cheveux grisonnants et les yeux pâlis. La coloration de ses joues était, j’en suis persuadé, due à son usage constant de l’opium et l’aspect apparemment lisse de la face disparaissait une fois observée de plus près.

On voit aussi que Thomas de Quincey aime parler de tout et de rien. Il ne m’en ai que plus sympathique :

Invité à revenir le voir, je faisais un saut de temps en temps ; une demi-heure de conversation avec lui était un privilège que j’estimais trop pour risquer de l’importuner fréquemment. Il était disposé à aborder n’iporte quel sujet : les nouvelles du jour, les articles du Scotsman, les livres récents, nos amis communs, toutes les questions fondamentales, car il était dans la conversation un homme du monde et non un pédant ou un rat de bibliothèque. Parfois, il badinait sur des sujets insignifiants, les traitant avec une sorte d’importance humoristique. Aussi se lança-t-il un jour dans une longue dissertation sur la difficulté de s’habiller. Se raser, en particulier, était un grand tracas. Après avoir rassemblé les meilleures informations sur la question, il avait acquis une série de rasoirs de première qualité, mais on l’avait prévenu qu’ils ne pourraient se passer d’un affilage régulier, tâche à laquelle il n’imaginait pas de se soumettre ; en outre, il fallait avoir une boîte à savon, article de nécessité qu’il abhorrait au plus au point. Quelques années plus tard, il résolut ce problème en se laissant pousser la barbe.

En conclusion, c’est un livre instructif mais il faut aimer Thomas de Quincey (ou au moins l’avoir déjà lu) pour pouvoir le lire jusqu’au bout.

Références

Les derniers jours de Thomas de Quincey de John Ritchie FINDLAY – traduit de l’anglais par Michèle Hechter (Le cabinet des lettrés – Le promeneur, 1997)


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